Dbloc notes

Dbloc notes

les articles de presse interviews (surtout celle de Libé) et autres vidéos.... bref mon foutoir bashunguien, le lien de cette page fantôme est petit, les fouineurs et fouineuses qui le trouveront me pardonneront un peu le côté brocante, mais ça me permet de visionner des clips au boulot et de retrouver les articles sans déranger mon bazar non virtuel.

Saluons, l'incompétence crasse de Paris Normandie qui n'a pas été capable de pondre un article exclusivement consacré à la prestation de Bashung en ouverture des concerts de l'armada, à moins que le journaleux n'ait fui sous les décibels de radiosofa, ils n'ont fait que l'évoquer avec à chiffrage de plus de 10 000 à plus de 30 000, merde alors, les concerts ça devient comme les manifs!

Nuits secrètes à Aulnoye : Bashung, noir de monde

samedi 09.08.2008, 13:00 - BARBARA FIRCOWICZ ET RUFUS DE RIDDER - PHOTO DIDIER CRASNAULT

Une foule bigarrée comme les aiment Les Nuits. Familles et poussettes y côtoyaient les inconditionnels festivaliers dans une écoute respectueuse. Une sorte de silence collectif empli d'émotion face à ce monstre de la chanson française physiquement affaibli par la maladie. Casquette vissée sur son crâne chauve, joues creusées, lunettes noires et long manteau, l'artiste était la plupart du temps assis sur un tabouret de bar.

Un contraste avec sa voix unique, absolue. Profonde, séduisante et bouleversante, elle a brouillé l'image. Surtout, elle a envahi la foule qui s'est laissée emporter avec délectation.

 

Ouah, le bidonneur, ou alors le journaleux n'est resté devant que le temps des photographes (3 chansons), justement Bashung était vachement plus mobile, pas souvent sur ce tabouret, se pliant en 2 avec aisance, enlevant sa guitare tout seul et sans grimace contrairement à Rouen, il a du aller picoler du champ avec les officiels dans une tente à côté l'envoyé spécial ;o)

 

BASHUNG dans l'huma du 8 septembre 2008

Fête de L'Humanité

Alain Bashung : « J'ai l'impression d'être dans des voies galactiques »

Grande Scène . Sombre et lumineux, rocker magnifique, tel est Bashung. Après le succès de son album Bleu pétrole, il promet un concert aux ambiances atmosphériques. Il y jettera toutes ses forces.

Vous êtes un familier de la Fête de l'Humanité. Quelle image gardez-vous de cet événement à la fois festif et militant ?

Alain Bashung. C'est une grande fête populaire, depuis pas mal de temps maintenant. À une époque, il y avait des chanteurs qui étaient très militants, comme Jean Ferrat ou Isabelle Aubret. Ils étaient toujours présents. Ensuite, d'autres artistes passaient, mais ils n'étaient pas spécialement militants. J'ai des souvenirs d'après-midi ensoleillés avec le pastis qui coule à flots ! (Rires.)

En dehors de vos propres spectacles, y êtes-vous allé à titre personnel ?

Alain Bashung. Je crois, mais alors il y a très longtemps, parce que j'avais un ami qui travaillait chez Renault. Il y avait un comité d'entreprise. C'était parfois dans ce genre de cadre. On avait monté un petit groupe et la société nous avait prêté une petite salle pour répéter. On y allait comme ça. C'est vraiment ancré. Je me souviens de mon prof de français qui vendait l'Huma, au pied de la cité, avec Pif le chien (rires). Tout cela faisait partie de la vie…

Êtes-vous sensible à la chose politique ?

Alain Bashung. C'est difficile de se dire détaché totalement. Par contre, s'y retrouver, avoir des idées claires sur telle ou telle chose, ce n'est pas du tout évident. Tout est devenu beaucoup plus complexe pour tout le monde. En plus, tout passe par la communication médiatique. Cela complique encore plus les choses. On est dans une espèce de triangle. Il faut parler très vite, alors on dit rapidement quelque chose d'un peu arrogant. Cela fausse tout à la longue. Bien sûr, on remarque le type qui vient de dire une ânerie énorme. Je me demande comment les gens peuvent recevoir ce genre d'info, la digérer. Ils appellent cela de la provocation, mais ce n'en est pas. C'est de la pub. J'ai l'impression qu'on est plus dans la communication. On se demande même comment les hommes politiques s'occupent de leurs dossiers. On les voit répondre à une question soit dans un journal, soit à la télé. C'est difficile à suivre. Je ne sais pas comment font les gens pour choisir tel ou tel courant, telle personne.

Que doit-on comprendre de Bleu pétrole, un titre d'album poétique et peut-être aussi économique ?

Alain Bashung. C'est une couleur, déjà un peu étrange, qui peut renvoyer à celle du ciel où d'un rêve. Si on entre dans les problèmes des hommes, c'est un produit qui a fait pas mal de dégâts depuis des décennies. Le pétrole a été source de conflits, de massacres. Avant, on essayait de comprendre pourquoi tel pays était en guerre. Aujourd'hui, on sait que c'est soit pour avoir des ressources naturelles, soit pour avoir la mainmise sur tel ou tel endroit stratégique. On ne peut plus se poser la question naïvement. C'est simplement des histoires de business ou de possession d'un pouvoir.

On a l'impression d'un répertoire tour à tour sombre et lumineux…

Alain Bashung. Que vous ayez reçu cela comme « sombre et lumineux », c'est quelque chose qui me convient assez bien. Est-ce simplement une question d'équilibre ? Sur scène, si je penche d'un côté ou de l'autre, ce n'est pas moi. Il y a ce milieu qui permet de raconter, d'être dans quelque chose qui a à voir avec des nuances. Ce n'est pas forcément que poétique. C'est pour permettre d'être dans une situation qui n'est pas totalement figée. Comment les gens font-ils pour essayer de capter le sens des choses ? C'est un peu un mystère pour moi. Mais, si je fais autrement, je n'y arrive pas. On peut appeler cela évoluer, ou bouger. Je ne pourrais pas faire la même chanson sans arrêt. C'est aussi chercher un langage. J'essaie d'évoquer des choses. Parfois, on comprend quelques lignes. On me donne des explications que je n'aurais pas imaginées sur telle ou telle chanson…

Justement, que voulez-vous dire par « J'ai des doutes sur la notion de longévité » (dans le Secret des banquises) ?

Alain Bashung. Là, ça peut devenir mystique. Je ne sais pas… Toutes ces notions humaines, on a l'impression qu'elles ne sont jamais suffisantes pour expliquer nos vies. Elles bougent sans cesse. Vivre longtemps, oui, mais alors avec quelle qualité de vie ? C'est toutes les questions que l'on peut se poser. Après, si c'est pour amasser, si c'est pour trouver un équilibre… Ce n'est pas le tout de seulement se dire : « Je vais vivre longtemps… » Il faut vivre dans le créatif, fabriquer quelque chose, avoir l'impression d'avoir un petit peu servi à quelque chose.

Vous avez donné beaucoup de concerts depuis votre Olympia en juin. Comment vous sentez-vous physiquement ?

Alain Bashung. Là, aujourd'hui, ça va. C'est vrai que je vis avec un mystère. Si je ne bougeais pas, je ne crois pas que ce serait la solution. Cela me demande, bien sûr, un effort particulier, mais en même temps cela me procure beaucoup de force. Les gens me donnent énormément. Il y a beaucoup d'émotion. D'un seul coup, je découvre tout cela. Peut-être que je donne toutes les forces que j'ai en moi, mais on me les restitue autrement. Cela me touche beaucoup et me faire tenir droit.

Dans votre show, vous reprenez quelques standards rock. Retour à vos premières amours ?

Alain Bashung. Oui, bien sûr ! C'est souvent plus le rock qui fait bouger les choses que la chanson elle-même, je crois. C'est l'impression que j'ai depuis pas mal d'années. Regardez aujourd'hui, essayez de trouver des chansons dont l'effet ne provient que du texte lui-même. Beaucoup de choses ont été fabriquées à partir des différentes expériences rock ou rythm'n'blues. Ne serait-ce que des tempos, ou des arrangements. Il y a des groupes, des artistes qui continuent à chercher dans ce coin-là. Au bout d'un moment, quand un morceau existe, on se dit « tiens, il y a une chanson… ». Ce n'est pas seulement du rock ou de la musique. Il y a une chanson dont on retient le refrain. Je suis très content que ce soit aussi large. C'est loin d'être étriqué. Il suffit de voir le nombre de choses qui existent. C'est incroyable.

Votre parcours est jalonné de nombreux succès, de Madame rêve à Osez Joséphine, Ma petite entreprise, Vertige de l'amour… Y a-t-il un titre que vous êtes plus particulièrement heureux d'interpréter ?

Alain Bashung. Je pense souvent à Madame rêve. Je suis vraiment très heureux quand je la chante. J'ai l'impression d'être dans des voies galactiques qui me portent. Elle a été fabriquée à une époque où j'en avais marre des after beat. Je ne voulais pas de batterie. La chanson est née, comme ça, à un moment où l'on entendait Phil Collins tout le temps à la radio, avec un son de caisse claire énorme, samplé cinquante fois. Je ne supportais plus… Là, ce sont les beats de cordes qui donnent le tempo. Et puis, il y a ce que ça raconte. Je ne peux pas faire le tour de cette chanson. Quand ce moment-là arrive sur scène, les gens sont contents et moi aussi. Il suffit ensuite qu'il fasse beau et que la nuit soit belle…

Concert samedi 13 septembre.

Entretien réalisé par Victor Hache

Bashung, le verbe toujours haut

Par Nicolas MOSCOVICI   
leJDD.fr

Depuis mardi, Alain Bashung a investi l'Olympia pour quatre concerts à guichets fermés. Mercredi soir, le chanteur, qui, on le sait, doit pourtant soigner un cancer du poumon, a occupé la scène près de deux heures durant. Sans faiblir, bien au contraire, il a envoûté son fidèle public, lui offrant un récital parfaitement maîtrisé, d'une magistrale intensité.


Il le chante à Joséphine depuis plus de quinze ans, Bashung ne sait faire durer que les moments doux... Mercredi soir, pour sa deuxième soirée parisienne, costume, lunettes et feutre noirs, il n'a pas failli à sa tâche, régalant l'Olympia de près de deux heures d'un tour de chant à la fois dense et sonore. Tout en sobriété, économe de ses mots et de ses gestes, à l'exception de quelques mouvements de bras très gainsbouriens, l'un des derniers monstres sacrés de la scène française a débuté, sous les yeux de Françoise hardy notamment, son récital tout en douceur, assis sur un tabouret de bar. Il l'a terminé, entouré de ses quatre musiciens, impeccables du début à la fin, à la guitare et sur des rythmes plus rock. Debout.

En duo avec Chloé Mons

Atteint, on le sait, d'un cancer du poumon, traité par chimiothérapie, Alain Bashung exorcise le mal sur scène et ne laisse rien transpirer de son affection. Au courage, d'une voix toujours juste, il a transporté son public, toutes générations confondues, sur les chemins, parfois tortueux, d'une carrière magistrale. Réservant ses standards pour la fin de la soirée (Osez Joséphine, Vertiges de l'amour, Madame rêve), il avait avant cela laissé la part belle aux créations de son dernier album, Bleu Pétrole, réalisé en grande partie avec Gaëtan Roussel (Louise Attaque). Plus chanté que l'impénétrable Imprudence, paru six ans plus tôt, ce nouvel opus gagne encore en intensité sur scène. La poésie de Vénus, sur le son du banjo, fait notamment mouche, sans oublier Je t'ai manqué, Résidents de la République, ou l'envoûtant Comme un Légo avec lequel le roi Alain avait entamé la soirée.

Soirée, qui, par les tourments qui frappent le chanteur, était donc placée sous le signe de l'émotion. Point de rencontre entre jeunes et plus anciens, La Nuit, je mens, qui ouvre l'album Fantaisie militaire (album de l'année en 1999), a pris à la gorge une bonne partie de l'assistance. Et que dire du duo interprété main dans la main avec sa compagne, Chloé Mons. A plusieurs reprises, des "Merci, merci!" ont fusé dans la salle. Comme si Bashung avait entamé là son dernier tour de piste. Au vu de la maîtrise scénique du bonhomme, on peut raisonnablement en douter. C'est tant mieux. "Et que ne durent que les moments doux", pour longtemps encore...

Bashung ne désarme pas

Propos recueilis par Eric MANDEL
Le Journal du Dimanche

Il sera la semaine prochaine à l'Olympia. Quatre concerts dans le cadre d'une tournée, débutée le 5 avril à Lille, consécutive à la sortie de son dernier album, Bleu pétrole (180000 exemplaires). Et ce, malgré la maladie - il soigne un cancer du poumon. Discret sur le sujet, Alain Bashung, qui sera également à l'affiche des festivals d'été (Francofolies et Nice Jazz Festival) préfère parler musique, de sa tournée et de ses concerts, unanimement présentés comme des prestations de haute tenue: deux heures durant lesquelles le créateur de Madame rêve interprète la quasi-intégralité de son dernier opus, agrémenté de chansons notamment puisées dans ses albums Play blessures (enregistré avec Serge Gainsbourg) et Fantaisie militaire.

L'Olympia affiche complet pour les concerts d'Alain Bashung cette semaine.


Comment se déroule cette tournée?
Je la trouve particulièrement émouvante. Sans doute est-ce lié à la nature de mon album. Avec Bleu pétrole, je ne cherchais pas l'expérimentation à tout prix. Au contraire, je voulais privilégier une émotion plus directe. Apparemment, cela se reporte sur scène. Je voulais une scénographie assez épurée, aller à l'essentiel, sans effets spéciaux, plutôt des éclairages avec un travail de relief. Les gens sont très attentifs, beaucoup viennent me voir à la fin du concert pour me dire que je les ai fait pleurer. C'est à ce point-là... Evidemment, ça me touche au coeur.

Avec l'expérience, comment se porte votre timidité naturelle?
Je suis toujours aussi timide, mais je me violente. J'aime justement cette dynamique. La scène est le seul moment où je me sens vraiment chanteur. C'est l'expérience la plus vraie, avec des réponses immédiates. En studio, j'ai plutôt l'impression d'écrire un livre.

"Je ne pourrai sans doute jamais écrire une chanson politique"

Vous allez vous produire à l'Olympia. Un souvenir en particulier?
Je n'oublierai jamais mon premier Olympia, même si je ne suis pas certain de me souvenir de tout. Je venais de signer deux tubes populaires, Gaby et Vertige de l'amour. Avec la furie ambiante, je m'entendais à peine chanter. Pour moi, l'Olympia reste associé à cette image de l'artiste mature, un peu adulte. A l'époque, j'avais 30 ans, mais je me sentais toujours dans la peau d'un éternel ado. Le passé du lieu m'impressionnera toujours. Une fois sur scène, ce sentiment, je l'oublie.

Comment vous déterminez un tour de chant quand on possède un répertoire
aussi conséquent?

Les textes déterminent principalement le choix des chansons. J'ai parfois raconté des trucs comme un écrivain de science-fiction qui essaierait d'envisager le pire pour mieux le conjurer. Naïvement, les chanteurs abordent des thèmes avec l'espoir de voir les maux de la société disparaître, l'espoir de servir à quelque chose...

Par exemple?
Il ne s'agit pas de thèmes attaqués de front, plutôt par couches d'humeur. Dans le dernier album, on peut trouver quelques lignes explicites. Notamment sur Résidents de la République. Une chanson politique, pas toujours facile à cerner, je le reconnais. Je ne pourrai sans doute jamais écrire une chanson politique, comme d'autres. Elle exprime des inquiétudes sur l'avenir de la République. J'essaie de ramener l'idée de questionnement civique dans mes chansons, sans faire de théorie. Le spectacle de la scène politique française, je le regarde assez froidement. Nos politiques ont trop souvent séparé le rêve du pragmatisme. Et je trouve ça stupide. Même moi, je ne sépare jamais le rêve du pragmatisme.

Certaines de vos chansons sont-elles difficiles à interpréter aujourd'hui?
Gaby, je n'y arrive plus. J'ai du mal à retrouver la naïveté inhérente à la chanson, j'ai dû voyager trop loin. Elle n'est plus dans le train. Ça m'a rendu triste d'ailleurs, je l'avoue, j'ai peur d'avoir perdu un peu de cette innocence. Un jour, peut-être, cela se reproduira.

A l'Olympia mardi, mercredi, samedi et dimanche prochains, complets. Les 26 octobre et 2 novembre à l'Elysée-Montmartre.

Le miracle Alain Bashung

Bertrand Dicale
16/06/2008 |

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À l'Olympia et en tournée.

Il y a un miracle Alain Bashung, un miracle qui met le rock le plus dru aux couleurs de la poésie française la plus exigeante. Sonic Youth chez René Char, les Pixies chez Max Jacob… Cette semaine à l'Olympia (encore les 14 et 15), puis en tournée, il donne à entendre la rencontre la plus brillante du sens et de l'énergie, de l'envol et de la rudesse. Son album Bleu pétrole, paru cet automne, est le plus lisible qu'il ait jamais enregistré. Après que l'on a connu des albums énigmatiques qu'il transcrivait en formes scéniques obliques, opaques, brumeuses, il donneà entendre tout droit ses nouvelles chansons des chansons toutes droites. Comme un Lego, Je t'ai manqué et Hier à Sousse en ouverture, avec une rythmique blindée et une guitare d'orage : pendant des années, il fallait percer le brouillard et écarquiller les yeux pour deviner l'humeur de Bashung à ses premières chansons ; là, il jette tout d'un coup, la compassion et l'angoisse, l'amour et la désillusion, l'entrain et le crépuscule. Et tout continue ainsi pendant deux heures, brillant, généreux, grandiose, humain. On dit qu'il a un cancer. Et pourtant, c'est lui qui nous console.

 

 

une vieille de 2005

Alain Bashung : "L'invention du rock'n'roll, c'était la bombe atomique"

Je vais très très mal quand je n'ai pas l'impression que tout est possible. Je peux dépérir, les choses m'indiffèrent. Ce qui m'a attiré dans ce métier, c'est l'aventure, pas de progresser socialement. Quand on me coupe les ailes, je peux mourir, même physiquement. J'ai appris dans un journal que Johnny Hallyday a souhaité faire un disque de blues et que sa maison de disques le lui a refusé. C'est notre star la plus importante. Comment peut-on se retrouver dans cette situation après toutes ces années ?

 

Vos récents albums ont été accueillis par des critiques dithyrambiques. On vous attend à chaque fois au tournant. Comment gérez-vous cette pression ?

Je minimise un peu les choses. J'ai peut-être aussi perdu la peur de décevoir. C'est sans doute un peu pervers : si le disque me plaît et qu'il ne va pas dans le sens qu'on attend, j'aurai une satisfaction. Pour L'Imprudence, je pense que l'appréciation a dépassé le côté artistique. Je pense que la bonne volonté que je mets est plus forte que le résultat. Les gens sont peut-être contents de voir chez un artiste des débordements autorisés, un comportement libertin. J'ai choisi ce métier parce qu'on peut être dans les extrêmes sans blesser personne.

On a de vous une image de créateur solitaire. Mais vous travaillez avec le parolier Jean Fauque et vous laissez une grande liberté à vos musiciens.

Je me méfie du groupe, et en même temps j'ai un sens extrême de l'harmonie : j'essaie de voir comment les gens peuvent se compléter, s'aider. Il faut que l'ensemble aille quelque part, et ça c'est mon rôle, il n'y a que moi qui sais. Si je suis obligé de dicter quelque chose à quelqu'un, cela me fait souffrir. Les musiciens que j'ai rencontrés étaient doués, on n'avait pas besoin de beaucoup se parler. Des musiciens ont pu être déconcertés, parfois ils comprennent plus tard, parfois ils m'en veulent. Je n'utilise pas la partie qu'eux croyaient bonne, mais celle qui leur semble d'une faiblesse consternante.

Je ne me voyais pas comme un supercompositeur à la Bacharach ou comme un musicien exceptionnel. Plutôt comme un type qui a une vue d'ensemble. C'est l'idée de producteur, c'est la faute à Phil Spector. Si l'on met tel mot à tel endroit, il faut que le musicien ait tel son. Des gens dans ce métier parlent de moi comme du meilleur producteur du monde. Pas tout à fait, parce je n'aime pas manier les machines. Je ne suis pas un cador de la technique, j'ai besoin qu'on m'aide.

Etre autodidacte vous a-t-il offert plus de libertés formelles ?

C'est une chance et un handicap. On peut avoir l'esprit ouvert à toutes les suggestions, personnelles ou autres. Mais parfois j'aimerais avoir la technique qui va avec. Si j'avais fait le Conservatoire, j'aurais pu faire un disque comme L'Imprudence, mais aurait-il eu autant de naïveté ? Il aurait été soyeux et respectable. Or je voulais qu'il ait des relents de respectabilité, mais que ce soit cassé par un maladroit.

Votre collaboration pour Play Blessures avec Gainsbourg, incarnation du dandy esthète et cultivé, n'en est que plus surprenante.

Il comprenait très bien ce que je voulais dire. Il voyait qu'un type d'une autre génération pouvait assumer ce genre de coquetterie profonde, que ça pouvait être beau et cassé, même s'il était plus impressionné par les choses harmoniques. Je ne sais pas s'il a apprécié le disque, je l'ai très peu vu après.

Peut-on aimer Gainsbourg et détester Gainsbarre ?

Bien sûr, surtout quand on aime vraiment Gainsbourg, celui qui est face à Denise Glaser dans "Discorama", ce garçon timide et érudit qui trouve les mots justes. Il n'avait peut-être pas d'autre solution. On peut penser que c'est un échec : ça veut dire que la beauferie a gagné. Pour plaire à plus de Français, il s'est déguisé en Français. Peut-être que ça l'amusait car il aimait bien être connu et reconnu. Pendant des années, on lui avait dit "Tu es un génie". Il devait répondre : "Oui, mais bon. Concrètement ?"

Brel (Tango funèbre), Ferré (Avec le temps) et Nino Ferrer (Le Sud) : on retrouve souvent votre nom au générique des albums en hommage aux grands disparus.

Cela peut être jouissif parce que la chanson est déjà faite et se l'approprier devient une histoire. Mais parfois les descendants ne souhaitent pas qu'on la déforme. Pour Avec le temps, je n'ai pas pu modifier les harmonies. C'est important pour moi de perpétuer, mais il faut me laisser la liberté. S'il s'agit juste de recopier... Avec le temps, Dalida le chantait, et très bien.

Brel, lui, me faisait peur quand j'étais gamin : il racontait sans aucune pudeur. J'ai découvert d'autres versions de ses chansons par Scott Walker. Ne me quitte pas est une chanson terrifiante, si vous dites ça à une femme, elle fuit. "L'ombre de ton chien", c'est suicidaire. Pour moi, ce n'était pas une chanson d'amour, mais l'histoire d'un homme qui perd sa dignité. La version de Scott Walker se traduit par If You Go Away, "Si tu t'en vas". Et au milieu, il dit "Et si tu restes". Il a rendu Brel plus doux, plus tendre.

Quand vous avez débuté, ces chanteurs, Brel, Brassens, Gainsbourg et Ferré, étaient en activité. Comment pouvait-on s'affirmer face à eux ?

Leurs directeurs artistiques voyaient d'un oeil un peu méprisant ce qui gigotait. Il n'y avait pas de chèque en blanc pour ceux qui voulaient faire du rock en France. Souvent, on s'en sortait avec l'humour comme Nino Ferrer, qui était fou de rhythm'n'blues, ou Dutronc et Antoine. Mais on ne pouvait pas faire du rock sérieusement, il fallait le ridiculiser comme Au Bonheur des dames.

J'ai été éduqué par des musiques exotiques. Je ne comprenais pas la moitié de ce que racontaient ces disques en anglais, mais il y avait un mystère. C'est ce mystère que j'ai voulu raconter en français. On donne à Ma petite entreprise des sens qui m'échappent. Je ne crois pas à la compréhension totale du texte, je préfère donner quelques repères. C'est une manière de faire participer l'auditeur à la chanson.

 

 

et surtout cette interview ou plutôt entretien parue dans libé en mars, je sais plus le jour je lai zappé en scannant...

Bashung «humblement politique»

Alain Bashung le 11 Janvier 2007 à Fontenay-sous-Bois. (AFP) Digressions de l'artiste autour d'extraits de son douzième album, «Bleu pétrole», structuré pour l'essentiel autour des textes de Gaëtan Roussel, chanteur du groupe Louise Attaque, et de Gérard Manset. Recueilli par GILLES RENAULT QUOTIDIEN : jeudi 20 mars 2008

Artiste majuscule, essentiel dans l'évolution de la scène rock française de ces trente dernières années, Alain Bashung n'a jamais dévissé. Ni dévié d'une trajectoire oblique qui a forgé sa singularité, imperméable aux conventions d'usage. Douzième album studio, Bleu pétrole succède à la psalmodie ardue de l'Imprudence - et à la tournée des Grands Espaces, campagne au long cours qui marquait la fin d'une éclipse live de huit années. En comparaison, le nouvel album revient à un format plus conventionnel (si tant est que l'épithète ait un sens chez Bashung) de chansons faisant la part belle à une country/pop soigneusement emballée par le producteur Mark Plati. Plusieurs pistes ont été abandonnées (le parolier Jean Fauque, interlocuteur privilégié depuis des lustres, brille ici par son absence, ses nombreuses suggestions ayant fini à la corbeille) avant que l'univers de Bleu pétrole ne se structure, pour l'essentiel, autour de Gaëtan Roussel, chanteur du groupe Louise Attaque, et Gérard Manset, autre éminence pérenne du paysage musical hexagonal. L'album, qui englobe neuf titres inédits et deux reprises (Suzanne de Leonard Cohen, francisé par Graeme Allwright, et Il voyage en solitaire, tube 1975 de Gérard Manset), comporte suffisamment de sève (à commencer par l'immense Je tuerai la pianiste) pour figurer d'emblée parmi les temps forts de l'année 2008, qui verra par ailleurs Bashung remonter sur scène, à dose homéopathique d'abord (Lille le 5 avril, Olympia les 10 et 11 juin, Francofolies de La Rochelle mi-juillet), et sans doute de manière plus assidue cet automne.

Plutôt que de soumettre l'artiste à l'exercice rituel des questions-réponses, il lui a été proposé de réagir à plusieurs extraits de Bleu pétrole , à partir desquels il digresse sans garde-fou, évoquant aussi bien Dalí que Sarkozy, le Troisième Homme de Carol Reed que la «complexité du fonctionnement humain».

«Et si l'on se disait le contraire/Ou si l'on ne disait rien/Si l'on construisait les phrases à l'envers/Ou si l'on soulevait demain» - Je t'ai manqué (texte et musique Gaëtan Roussel).

«Certains leaders, politiques notamment, jouent avec la provocation, sortent des trucs qui choquent, juste pour essayer d'être originaux. Mais dans les discours qu'on entend à la télé, il y a un vrai manque d'idées, de projets ayant réellement à voir avec notre fonctionnement dans le futur ; autour de la cité, par exemple - quid de l'installation d'un nouvel incinérateur, faut-il enterrer ou brûler les déchets ? Alors, puisqu'on est dans l'absurde et qu'il faut tôt ou tard y passer, allons-y à fond. Nous vivons une période où beaucoup racontent des choses que l'autre a envie d'entendre. Là, je pense à toutes ces phrases jetées juste pour avoir la une, pour attirer l'attention, fût-ce brutalement. Le mot «provocation» me paraît aujourd'hui galvaudé. Quand Dalí créait un petit événement sur un trottoir, il le faisait bien, il y avait une certaine esthétique du scandale qui laissait une empreinte. Son geste était à prendre comme une porte ouvrant sur d'autres possibilités. Cette idée artistique, à la fois positive, ludique et un peu folle, me semble plus difficile aujourd'hui à faire exister, même si certains, comme Royal de luxe, s'y emploient. Peut-être parce que tout est exagéré et qu'il y a toujours plus d'images.»

«Un jour je courrirai moins/Jusqu'au jour où je ne courrirai plus» - Résidents de la République (Gaëtan Roussel/Gaëtan Roussel)

«La faute est peut-être une coquetterie, pour dédramatiser. Les textes de mes chansons n'ont jamais prétendu à donner des leçons de français, au contraire. J'englobe tous les gens qui commettent des maladresses, sous le coup de l'émotion, par exemple. Cette chanson est signée Gaëtan Roussel. Une rencontre un peu fortuite, un jour à table, par l'intermédiaire du guitariste M. Ward. On a bavardé de tout, avec un certain plaisir. Je lui ai dit que j'essayais de préparer un album, et suggéré de me proposer des choses.

Je ne cherchais pas une suite à l'Imprudence, qui marquait comme un aboutissement à d'autres réflexions préalables. J'avais envie ici de m'exprimer plus directement, de chanter plus, pour trouver un positionnement permettant de dire qu'on est loin d'être d'accord avec des projets fantômes. J'ai toujours fonctionné ainsi : l'envie, après avoir été trop cartésien, de mettre un peu de brume, ou, après avoir été confus, d'être plus clair et urgent. Il y aurait ici comme une forme de militantisme, tout en racontant les choses de biais. Après avoir décrit des tourments intérieurs, j'ai souhaité oublier un peu mes fonctionnements personnels pour tourner la caméra vers l'extérieur. C'est peut-être un album humblement politique, tentant d'éviter le premier degré, qui ne vieillit jamais très bien, tout en ne passant pas à côté d'aspects qui commencent à m'étouffer.

Dans la chanson, juste avant, j'aime bien "Un jour je parlerai moins/Jusqu'au jour où je ne parlerai plus" : c'est amusant, venant de quelqu'un qui passe déjà pour ne pas être un grand bavard. Mais, d'une façon générale, je crois qu'il faut se méfier de ces gens qui ne disent plus rien. Quand on ne sait plus comment formuler les choses, ceux qui se sont longtemps tus peuvent se réveiller et devenir les plus radicaux. Il y a des risques de réapparaître inculte, sans vocabulaire, et de passer par la violence en substituant les coups à la dialectique.

A l'inverse, je me méfie de ceux qui se prétendent dans l'action, à tout prix, tout le temps. Sarkozy passe son temps à s'agiter, il doit avoir des clones. Cela cache forcément une non-idée principale, qui doit être exposée mais n'arrivera peut-être jamais. En tous les cas, son comportement n'est pas normal. On a besoin d'un président avec une attitude plus digne. C'est quand même paradoxal, ces gens qui se plaignent qu'on ne respecte plus certaines valeurs et envoient chier un badaud. C'est juste l'attitude d'un petit voyou sans envergure, qui manque de classe et de dignité. Là, on bafoue les repères, et des jeunes regardent. Quelque chose ne va pas. Nous allons nous reprendre.»

«Mon ange je t'ai haï/Je t'ai laissé tuer/Nos jeunesses débauchées/Le reste de nos vies» - Tant de nuits (Joseph d'Anvers/Armand Méliès-Alain Bashung)

«Joseph d'Anvers n'est pas vieux, mais dit des choses très mûres. D'où ça sort ? Est-ce que ça a à voir avec la culpabilité qu'on peut éprouver lorsqu'on a fait souffrir quelqu'un ? Je me retrouve dans l'humeur de cette chanson ; sans avoir vécu la même situation, il y a des équivalences. Au bout d'un moment, on finit par ne plus s'aimer quand on sait avoir mal agi. On se dit qu'on est un sale type, puis on essaie de se racheter. Le partage du plaisir pervers finit par se transformer en acidité. Reste la douleur.

Mes chansons ont beaucoup traité de choses en relation avec les relations internes homme-femme, mais elles ont évolué. Ce qu'on subit nous transforme. Quand il faut dresser le bilan des relations sentimentales, soit j'en parle de façon douloureuse et brève, soit… Je n'aurais pas conçu le texte ainsi. Pour cet album, cela m'arrangeait de passer par d'autres, capables d'être moins prudes sur certains sujets. A titre personnel, j'ignore si ça a à voir avec la pudeur, mais je me sens plutôt effaré par la complexité du fonctionnement humain, raison pour laquelle j'ai sans doute toujours insisté sur la description des nuances.»

«Car chacun vaque à son destin/Petits ou grands/Comme durant les siècles égyptiens/Péniblement» - Comme un Lego (Gérard Manset/Gérard Manset)

«On parle peut-être des travailleurs, si petits vus d'en haut. Je pense à cette scène dans le Troisième Homme où Orson Welles et Joseph Cotten sont dans une cabine de la grande roue qui tourne. Cotten balance à la gueule de son ancien copain son trafic de pénicilline coupée, qui a envoyé des gens à l'hôpital, provoqué des malformations. Welles, regardant les gens en bas : "Qu'est-ce que ça peut faire s'il y a trois fourmis en moins ?" Dans cette chanson, on a l'impression que des gens nous voient comme une multitude de petits êtres qui se tuent au travail. Manset y fait allusion à l'Egypte. A toute époque, dès qu'il y a une société organisée, on trouve le moyen de faire travailler le peuple sur des projets fous.

J'avais croisé Manset de temps en temps, et on se disait qu'il faudrait essayer un jour de faire quelque chose ensemble. Je trouve assez fort le lyrisme qui existe dans ces lignes, et je me voyais bien les chanter. Je suis ravi de croiser d'autres tournures de phrases où je m'oublie un peu. Ici, il y a un point de vue, un sujet qui m'intéresse. On a dû faire seulement deux prises de cette chanson, j'ai été heureux de l'interpréter, y trouvant ce plaisir immédiat que je pourrais éprouver en reprenant certains standards américains.»

«Je tuerai la pianiste/Afin que l'on sache/Que la vie d'artiste/N'est pas sans rose n'est pas sans tache» - Je tuerai la pianiste (Gérard Manset/Gaëtan Roussel-Alain Bashung)

«C'est presque une phrase ambiguë pour moi. "Je tuerai", je n'ai jamais formulé cela aussi directement, même si la pensée nous effleure tous un jour. En règle générale, j'ai toujours veillé à ne jamais dire ou chanter quelque chose qui aurait à voir avec la compassion. Je déteste faire l'artiste qui se plaint. Mais là, on est un peu dans le Fantôme de l'opéra, avec un personnage fou d'amour, une grande souffrance tragique. Alors, pourquoi ne pas dire que chez les artistes aussi les choses ne sont pas toujours très claires. Mais je me suis quand même interrogé pour savoir si je devais chanter ces lignes, je ne voulais pas qu'on les prenne comme une plainte. Il a fallu que je passe par-dessus, c'est là où je suis parfois un peu hypocrite. Mais quand même, chaque fois que je prononce le mot "connasse" dans Mes Bras [chanson extraite de l'Imprudence, ndlr], je sursaute encore. Je dois me violenter pour faire fi de mes appréhensions. Ce qui fait partie de la vie doit toujours pouvoir être raconté tôt ou tard.»

«J'ai des doutes sur l'heure à laquelle tu viens de rentrer/La certitude de t'avoir si fort désirée/J'ai des doutes/Est-ce que vous en avez ?» - le Secret des banquises (Gaëtan Roussel-Alain Bashung/Gaëtan Roussel)

«Il existe une différence entre avancer aveuglément et se poser des questions lucides. On navigue entre ces deux pôles. Je me suis déjà posé trop de questions dans la vie, mais je ne les regrette pas toutes si c'est le prix à payer pour rester un peu vivable, surtout vis-à-vis de moi-même.

Cet album est passé par plusieurs désirs, dont celui de reprendre des chansons perdues, pas forcément des tubes, plutôt des trucs qui avaient à voir avec les balbutiements de la pop française. Finalement, la teneur générale du disque pourrait tourner autour de l'interrogation suivante : "Etes-vous équipé, quasiment comme le serait un explorateur à la veille d'une aventure, pour survivre dans l'avenir ? Disposez-vous du matériel, des sentiments, de la force intérieure, des convictions nécessaires ?" Moi, j'ai des doutes, et j'ai envie de dire : réfléchissons-y ensemble.»

«Et voilà le miracle en somme/C'est lorsque sa chanson est bonne/Car c'est pour la joie qu'elle lui donne/Qu'il chante la terre» - Il voyage en solitaire (Gérard Manset/Gérard Manset)

«Une vraie tendresse pour quelqu'un qui a réussi à mettre en situation des mots simples qui amènent une magie. C'est une chanson phare, une des plus belles écrites dans un style pop, en français, alors qu'on sortait d'une longue période d'adaptations américaines et qu'il y avait très peu de place pour ce type d'auteur-compositeur (Polnareff ou Dutronc ayant aussi fait de belles choses). J'aime le style atmosphérique, romantique, avec des mots sérieux.»

 

entre le plaisir de lire et de relire ce qu'il écrit sur un certain gugus, l'évocation de la scène de la grande roue du 3 eme homme me réjouit c'est une de mes scène culte, un vrai sujet de philo ambulant, j'aime bien quand les artistes sont intelligemment sobres, ça change des couillons qui se prennent pour des maîtres à penser (non, non, je ne dirai pas à qui je pense, un hystéro en chemise blanche qui adore plonger dans le public, entre autres).

 

un article du TEMPS, le quotidien Helvète comme aurait dit notre Christine Ockrent, la plus française des présentatrices d'Outre Quiévrain...
Merci Baby Groove

Rocco Zacheo

Lundi 28 juillet 2008

Rubrique: Culture  

  

 Il est arrivé avec le déluge, s'est assis sur le tabouret avec son harmonica entre les doigts et a saisi le public à la gorge. Une heure et des poussières plus tard, tout était dit. Mais que de choses à faire: il fallait, en partant, serrer les mâchoires et déglutir sans cesse, étaler les subterfuges pour retenir l'émotion que procure son départ. Lorsque sa silhouette élégante quitte la scène du Chapiteau, le ciel décide enfin d'en finir avec ses tonnerres et ses larmes.

 

A Nyon, Alain Bashung a été comme partout ailleurs ces derniers mois: dans un état de grâce dont la 33e édition de Paléo portera les marques très longtemps. Alors que les châteaux en tubulaire sont démontés et que les stands abandonnent la plaine de l'Asse, la question du bilan artistique de la manifestation ne pourrait faire une once d'économie de son concert de samedi soir.

 

L'homme aux lunettes fumées, au costard et chapeau noirs et à la chemise blanche aurait pu décider de ne pas chanter, de se tenir coin sur la scène, sa présence magnétique est de celles qui imposent le silence religieux. Alors, quand les premières salves de musique se font entendre, l'assistance habituellement bruyante du Paléo a saisi l'ampleur de l'évènement, elle a coupé les décibels inutiles et les discussions sans lendemain et s'est mise à écouter la voix soyeuse et puissante de l'artiste ténébreux. Une grande ferveur, donc, dans ce court voyage à travers une carrière ponctuée par des tournants stylistiques de taille, par un questionnement constant et par une exigence demeurée toujours intacte.

 

Baigné par la pénombre, sobre comme un tenancier de cabaret allemand, Bashung enchaîne avec les perles de Bleu pétrole, son dernier album. Il parle peu, remercie poliment en esquissant des sourires. Dans le regard qu'on devine derrière les verres, il y a des tonnes de pudeur et un amour démesuré pour la foule agglutinée à ses pieds. Le corps ne bouge presque pas; pour lui, parlent des doigts qui pointent vers le haut, qui s'étirent ou se serrent en poing. Ils révèlent une tension maîtrisée, ils dévoilent une âme entièrement tournée vers ses dernières créations: «Comme un Lego», «Je t'ai manqué», «Venus», «Je tuerai la pianiste» ou «Sur un trapèze» défilent, fluides et denses, magnifiées par des musiciens au tact infini.

 

La moitié de son concert fait donc étape dans le présent. Ce premier relais dans le paysage du dernier monstre sacré de la chanson hexagonale décline la volonté de l'artiste de conférer une simplicité nouvelle à sa musique et à ses textes. Ce Bashung est celui de l'intelligibilité et de l'éloquence. C'est le poète qui a abandonné sa propension à l'hermétisme et qui veut parler à nouveau au plus grand nombre.

 

Plus tard dans la soirée, on retrouvera l'autre Baschung, le faiseur de tubes, l'artiste fédérateur d'antan. Ces pages de carrière, l'intéressé les lit aujourd'hui avec un sens sévère du jugement, qui prend par instant des allures cyniques. Le bilan a de quoi faire rire jaune: «Ceci est un accord en mi. On peut faire une longue carrière avec un accord en mi», ironise l'artiste avant de lancer «Vertige de l'amour», succès immense qui ne tient que sur l'accord dénoncé. Cette brève parenthèse rappellera aux inconditionnels de toujours, les heures rock de Bashung, le Perfecto qui serrait son torse dans les années 80, ou ses altérités, arborées sans scrupule sur les scènes de la francophonie. Une époque faite de concerts bancals et des moments de rage qui s'achevaient avec de la casse.

 

A 60 ans, le corps affaibli du poète s'est éloigné un peu plus de ces tons démonstratifs, il se contente désormais de suggérer avec finesse et discrétion des états d'âme. Après «Osez Josephine», introduit par quelques mesures de «Blowin'In the Wind» de Dylan («Beaucoup de guitaristes ont commencé par là», justifie Bashung), les grandes pièces maîtresses qui ont marqué la rupture avec une certaine rock attitude défilent et coupent le souffle. De «Madame rêve», bluffant de sobriété et de mystère, à l'éthéré «A perte de vue», de «La nuit je mens» à «Malaxe».

 

Puis, les adieux à la scène de Paléo, les remerciements aux techniciens et aux artistes de cette tournée. Et des baisers émus envoyés au public. L'ovation a été longue et personne n'a eu envie de se quitter. Le rêve Bashung pouvait commencer.

 

 

 

 

 © Le Temps, 2008.

TEMOIGNAGE CHRETIEN....

Voilà trente ans que Bashung occupe le terrain du rock français, avec discrétion et classe. Il sort un nouvel album, Bleu pétrole, et sait toujours bien s'entourer.

 

Chanson : c'est la faute à Bashung   par Luc Chatel

Dans son premier album, Roulette russe, Alain Bashung avait placé en fin de barillet une dernière balle, « C'est la faute à Dylan ». L'histoire d'un brave gars de Clermont-Ferrand qui monte à Paris attiré par quelque chose d'électrique et magique. Refrain : « Sing along Bob/Sing, sing along Zimmerman/Je suis cow-boy à Paname/Oui mais c'est la faute à Dylan. » Et si venait aujourd'hui son tour de rendre des comptes, à Bashung ? Combien de petits gars ont quitté leur province, guitare à la main, pour tenter leur chance en terre capitale, et qui pourraient dire aujourd'hui : « C'est la faute à Bashung. » La faute à d'autres, aussi, sans doute, la liste est riche de chanteurs accoucheurs de vocations. Mais l'homme de Bijou, Gaby et Joséphine fait tourner depuis trente ans une petite entreprise sans égale. Dont la dernière production, Bleu pétrole, démontre une fois de plus le savoir-faire.

 

Resté au top

Première qualité : la durée. Ils se comptent sur les doigts d'une main et d'un pied les chanteurs ayant démarré dans les fertiles années 1970 et qui existent encore sur scène et dans les bacs. La plupart restent marqués par leurs premiers succès et font soit dans la redite soit dans la nouveauté fade, l'inspiration a ses humeurs. Plus rares sont ceux qui ont su se renouveler et rester au top, dans l'exigence et la singularité. Prendre les bons risques au bon moment. On peut en fait les compter sur les deux doigts de la main : Christophe (plus rare, moins constant et plus confidentiel que son comparse, mais sans doute plus aventureux) et Bashung. Deuxième qualité : savoir s'entourer. Bashung a toujours été parfaitement accompagné. Ce qui lui a permis de changer de registre à plusieurs reprises sans trop de risques, donnant tour à tour à ses albums une tonalité plus sauvageonne (Osez Joséphine) ou sophistiquée (Fantaisie militaire). Chaque genre (rock brut comme à ses débuts ou climats électro-vaporeux) étant parfaitement assumé par des compositions impeccables (l'inspiration chez Bashung, n'a pas d'humeur, ça doit s'appeler un don) et des musiciens classieux : Marc Ribot, Rodolphe Burger, Joseph Racaille. Arrivant chaque fois à atteindre une perfection dans les arrangements et dans la pose de sa voix, devenue cet instrument leader qui tend à prendre des accents de psalmodie-rock, lâchant des strophes de plus en plus courtes et travaillées, jouant sur des modulations à faire frissonner ses ouailles. Peut-être son expérience d'enregistrement du Cantique des cantiques, en 2002, avec sa compagne comédienne Chloé Mons y est-elle pour quelque chose. Une présence vocale soulignée par la souplesse et la gravité du timbre, qui a su s'épaissir et s'oxygéner avec l'âge. Le morceau « Comme un lego », sur le dernier album, en est un parfait exemple. On devine que Bashung a pris un plaisir fou à imprimer sa voix sur chaque syllabe, donnant une forme incantatoire à une chanson de 9 minutes qui pèche par des paroles assez hermétiques, signées Manset – on le pardonne, mais quand même : « La force décuplée des perdants/ Comme un lego avec des dents.»

 

L'après-Bergman

Voilà sans doute le seul point sur lequel Bashung a un peu perdu avec le temps, les textes. Si ses auteurs actuels sont peu inspirés (ce sont par ailleurs des musiciens hors pair, peut-être devraient-ils faire la part des choses, n'est pas Gainsbourg ou Ferré qui veut), il faut reconnaître qu'il avait commencé fort avec son excellent complice, Boris Bergman, qui a pris ses distances depuis une vingtaine d'années. Rappelons pour le plaisir un extrait de la toute première chanson de Roulette russe : « C'est pas facile, facile de se foutre en l'air/C'est pour les riches les somnifères/La roulette russe c'est complètement idiot/ Quand on peut mourir d'un coup de chasse d'eau/Je fume pour oublier que tu bois/Je fais comme chez moi/Je renvoie la fumée sur un poster de toi » ou encore ce début d'« Elsass Blues », sur le même album, comme un écho à l'enfance d'Alain Bashung, né à Paris de père inconnu, élevé par les parents de son beau père dans un village d'Alsace : « Je suis né tout seul près de la frontière/Celle qui vous faisait si peur hier/Dans mon coin on faisait pas de marmots/ La cigogne faisait tout le boulot ». Reste dans les textes de l'après-Bergman la marque de fabrique Bashung, une distance mi-gaguesque (« osez joséphine », « ma petite entreprise connaît pas la crise ») mi-contemplative. Bashung rejoint par certains aspects cette écriture américaine qui s'appuie sur une nature fascinante et dominante pour décrire les variations fragiles de nos sentiments. Une Amérique qui résonne un peu plus que d'habitude dans le dernier album, avec une forte tonalité country-folk. Relevons enfin la présence, parmi les compositeurs sollicités pour ce Bleu pétrole, d'un jeune artiste remarquable, Arman Méliès, – qui sort parallèlement son deuxième album, Casino – l'un de ces petits malins en train de s'imposer comme de fidèles compagnons de route de Bashung, dans cette voie singulière d'un rock électrique éthéré, à l'allure intranquille et calme, haletante et retenue, où l'on se soucie surtout du reflux des sentiments et du jaillissement des cascades, à l'écart des bruits du monde. Pour mieux les amortir, sans doute.

 

Bleu pétrole, Alain Bashung, 1 cd, Barclay/Universal.

En tournée dans toute la France, les 10 et 11 juin à l'Olympia

 

2 sites amateurs superbes sur l'artiste   BASHUNG

                                                          BASHUNG selon moi

 

 

 

 
 
les vidéos de taratata c'est normalement exportable mais le lien qu'ils donnent est un peu foireux...

Alain BASHUNG : Résidents de la République - Taratata
Alain BASHUNG : Résidents de la République - Taratata

les anciens clips version officielle

 
 


11/08/2008
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